En arpentant la promenade de Copacabana à la nuit tombante, je revois les images fortes que j’avais su capturer sur Ipanema, il y a une quinzaine d’années. La nuit tombe assez vite sous les tropiques, qu’il s’appelle le Capricorne ou le Cancer.
D’abord la plage elle-même se vide de ses occupants, de tous les fournisseurs de petits services qui les accompagnent, comme les loueurs de parasols et de transats, comme les vendeurs de lunettes de soleil, de gadgets divers. C’est un repli en bon ordre, vers la promenade de l’avenue Atlântica qui longe sur plus de deux kilomètres la plage la plus célèbre du Brésil. Je décide de prendre un jus de Coco dans le kiosque le plus proche pour profiter de ce moment magique et examiner les acteurs de cette commedia dell’arte qui se joue à la nuit tombante. Dans le kiosque lui-même des musiciens s’approchent et sortent leurs instruments, percussions et guitares ; le soleil se perdant derrière le Pain de Sucre, ils prendront la suite de la divinité qui s’est momentanément couchée en criant leur spleen sur des rythmes de plus en plus saccadés mais toujours suaves. Des sportifs jouent de toutes les variations de jeux de ballons, de raquettes et ont tellement adapté ces diverses activités au lieu que j’observe, qu’il devient impensable d’imaginer d’autres sports que ceux qui se déroulent avec des pieds nus dans le sable encore chaud de la journée en phase de s’achever. Sur les pavés noirs et blanc de la promenade Atlântica qui dessinent des vagues comme celles qui s’écrasent à peine plus loin, les promeneurs, les joggeurs, les cyclistes se sont multipliés à cette heure de transition. Les corps sont encore dévêtus, bardés des capteurs qui surveillent les battements cardiaques et luisant de la sueur pour les efforts déployés et chacun s’enferme dans la solitude de sa musique. C’est le côté assez triste de cette communion ratée des Cariocas qui viennent chercher dans l’effort physique une réponse au stress que la ville leur impose, mais dans une indifférence manifeste aux autres. Heureusement, les bateleurs nous haranguent, l’un pour vendre des bracelets et l’autre des reproductions du Corcovado. C’est la cour des miracles revisitée dans sa version tropicale !