Copacaban … Noite !

En arpentant la promenade de Copacabana à la nuit tombante, je revois les images fortes que j’avais su capturer sur Ipanema, il y a une quinzaine d’années. La nuit tombe assez vite sous les tropiques, qu’il s’appelle le Capricorne ou le Cancer.

D’abord la plage elle-même se vide de ses occupants, de tous les fournisseurs de petits services qui les accompagnent, comme les loueurs de parasols et de transats, comme les vendeurs de lunettes de soleil, de gadgets divers. C’est un repli en bon ordre, vers la promenade de l’avenue Atlântica qui longe sur plus de deux kilomètres la plage la plus célèbre du Brésil. Je décide de prendre un jus de Coco dans le kiosque le plus proche pour profiter de ce moment magique et examiner les acteurs de cette commedia dell’arte qui se joue à la nuit tombante. Dans le kiosque lui-même des musiciens s’approchent et sortent leurs instruments, percussions et guitares ; le soleil se perdant derrière le Pain de Sucre, ils prendront la suite de la divinité qui s’est momentanément couchée en criant leur spleen sur des rythmes de plus en plus saccadés mais toujours suaves. Des sportifs jouent de toutes les variations de jeux de ballons, de raquettes et ont tellement adapté ces diverses activités au lieu que j’observe, qu’il devient impensable d’imaginer d’autres sports que ceux qui se déroulent avec des pieds nus dans le sable encore chaud de la journée en phase de s’achever. Sur les pavés noirs et blanc de la promenade Atlântica qui dessinent des vagues comme celles qui s’écrasent à peine plus loin, les promeneurs, les joggeurs, les cyclistes se sont multipliés à cette heure de transition. Les corps sont encore dévêtus, bardés des capteurs qui surveillent les battements cardiaques et luisant de la sueur pour les efforts déployés et chacun s’enferme dans la solitude de sa musique. C’est le côté assez triste de cette communion ratée des Cariocas qui viennent chercher dans l’effort physique une réponse au stress que la ville leur impose, mais dans une indifférence manifeste aux autres. Heureusement, les bateleurs nous haranguent, l’un pour vendre des bracelets et l’autre des reproductions du Corcovado. C’est la cour des miracles revisitée dans sa version tropicale !

Orlando, Florida

orlando-postcardJe n’avais jamais mis les pieds à Orlando jusqu’à ce jour. Mes visites dans l’état de Floride ne furent jamais bien variées dans le passé : La ville de Miami, bien entendu comme une destination obligée pour travailler avec l’Amérique Latine. Parfois, je suis remonté vers Fort Lauderdale ou même jusqu’à Boca Raton. J’avais d’ailleurs écopé d’une note de taxi assez impressionnante cette fois-là, invité par notre représentant à San Maarten dans un hôtel de cette ville. Je devais rencontrer l’opérateur Télécom de cette partie Hollandaise de l’Ile et je n’avais pas bien prêté attention en prenant mon vol depuis México. Arrivé à plus de vingt-trois heures à l’aéroport de Miami, je montais dans un taxi et découvrais qu’il y avait probablement une heure et demie de trajet jusqu’à mon lieu de destination. Le chauffeur de taxi était d’origine Haïtienne, jusque-là rien d’anormal, bien au contraire ; et cela est toujours amusant de se tester au créole. C’était en revanche une femme, moins classique et … blanche, cette fois vraiment pas banal ! Devant mon désarroi, ma conductrice de taxi me proposa un « deal » pour me conduire jusqu’à mon hôtel. Je rassemblai à peu près toutes les devises que j’avais dans mon portefeuille et me résignai. Pour aller à Orlando, il aurait fallu que je m’intéresse à Mickey. Ceci est loin d’être gagné, vu que je ne suis jamais allé à Eurodisney, Marne La Vallée. Donc, je n’avais pas de raison valable sauf à tomber sur la boite technologique basée sur place, et il y en a quelques-unes. Finalement, c’est comme le barycentre des personnes que je rassemblais pour travailler cette semaine sur un projet commun, qui nous amena, chez Disney, sans y aller. L’aéroport a déjà des allures de fête avec une décoration enfantine, colorée, comme un monde enchanté. Je me tourne et je vois beaucoup de familles avec des enfants, des très jeunes enfants dans des poussettes. C’est rafraichissant après des expériences identiques de vols à immense majorité professionnelle où la seule famille à bord ressemble à un intrus, ou du moins traité comme une exception. Le monde de l’insouciance est appréciable donc avec ces décorations et ces visiteurs bien différents des autres aéroports en mode copier-coller. Une fois monté à bord d’un taxi conduit cette fois par un jeune Haïtien noir comme l’ébène et fort sympathique (sa cousine est à bord et il ne cesse de lui dire : « Monsieur est Français ! »), je regarde passer le paysage qui lui ne dépare pas de l’Amérique classique avec ses successions de « malls », de chaines de restaurant dont la diversité est bien pauvre et de chaines d’hôtels. Je complète ma visite d’Orlando le soir, dans le quartier de « Church Street » et referme la parenthèse de cette visite. Rien à signaler de particulier !

La fête au Bouc *

MaleconLe bord de mer s’appelle le « Malecon », comme celui de La Havane ; c’est là que la ville populeuse de Santo Domingo jouxte la mer, regardant vers le Sud, vers les petites iles Hollandaises au large du Venezuela : Aruba, Bonnaire et Curaçao. A l’Ouest c’est justement Cuba qui fait face à la portion Haïtienne de l’ancienne Hispaniola. A l’Est, il parait qu’on peut apercevoir depuis des points hauts, Puerto Rico. Ce bord de mer n’est pas une plage, il est battu par la houle et sans la chaleur ambiante et les essences d’arbres aux alentours, on pourrait se croire en Bretagne. Des ombres humaines déambulent le long de cette avenue baptisée officiellement du nom de Georges Washington ; quelques points sont aménagés et la propreté est maintenue. Je n’ai pas vu le romantisme suranné des couples Cubains s’enlaçant en regardant la mer, au loin. En pleine journée, ce sont plutôt des corps allongés sur les bancs, se reposant sous les températures hivernales pour la région : pas plus de vingt-neuf degrés à l’ombre de la mangrove côtière ! La capitale, Santo Domingo de Guzmán, aurait près de quatre millions d’habitants ; c’est le plus vieux site de peuplement européen des Amériques habité sans discontinuité et fut le premier siège du pouvoir espagnol dans le Nouveau Monde. En circulant, ou plutôt en tentant de circuler sur les larges avenues tant les embouteillages sont constants, j’ai une impression de me retrouver dans le Caracas des années quatre-vingt-dix. Des camionnettes luxueuses, aux vitres teintées, transportent de riches Dominicains d’une réunion à l’autre, ou vers des destinations de loisir, principalement des restaurants. Tout est climatisé, américanisé, pour ceux qui ont accès ces bulles d’air frais. Pour les autres, ce serait plutôt Cuba qui me reviendrait en mémoire, avec des senteurs mélangées de végétation luxuriante et de goudron. Je n’étais pas revenu en République Dominicaine depuis plus de quinze ans. A l’époque, c’était le lancement des opérations GSM d’Orange, filiale française de l’opérateur. La marque Orange existe toujours mais a été revendue à Altice en 2013, groupe qui a finalisé le rachat de SFR en France l’année dernière. Paradoxalement, le concurrent d’Orange en France, opère des services de télécommunications sous la marque concurrente Orange, dans une ile des Caraïbes. Je ne m’éloigne pas trop de l’hôtel à pied, sur ce « Malecon », car je finis systématiquement entouré de passants offrant des services de toute nature … Santo Domingo n’est pas le paradis du flâneur à pied !

* « La fête au bouc », ou « La fiesta del Chivo », est un livre de Vargas Llosa qui traite des derniers jours du dictateur Trujillo dans ce pays; livre qui m’a beaucoup impressionné à sa sortie.

A livraria BERTRAND

Livraria Une fois n’est pas coutume, je vais discourir sur un endroit que je ne connais pas, ou pas encore. Je découvre que la plus ancienne librairie en activités, au monde, s’appelle « Livraria Bertrand » et se trouve à Lisbonne, capitale du Portugal. Je me passionne pour cette histoire qui démarre peu avant le fameux tremblement de terre qui ravagea Lisbonne en 1755 et qui marqua les esprits, l’économie et la conscience de tous les contemporains. Juste à cette époque, exista un flux migratoire entre le Dauphiné, et marginalement le Piémont, vers la péninsule Lusitanienne et principalement Lisbonne. Comme pour les « Barcelonettes », il s’agit de colporteurs Briançonnais qui vinrent s’installer par vagues successives après avoir commercé entre leur région d’origine et la région Lisboète. Ces familles provenaient de la localité appelée Monestier de Briançon, l’actuel Monêtier les Bains. Le Monêtier était le centre sous l’Ancien Régime d’un puissant réseau de colportage de livres, avec l’exemple de Jean Delorme, qui par ses entreprises commerciales et ses stratégies d’alliance matrimoniale, mit en en place un vaste réseau commercial à cheval sur les espaces alpins et méditerranéens. Ses petits-enfants entrèrent également dans le réseau du colportage du livre: Ils employèrent de nombreux colporteurs du village de Monêtier. Entre les années 1755-1760, 38 libraires originaires de Monêtier s’installèrent dans les grandes villes culturelles d’Europe en France, Italie, Espagne et surtout à Lisbonne au Portugal. A Lisbonne, les familles Dauphinoises vivaient en solidarité et de façon communautaire, un peu comme les « Barcelonettes » au Mexique. A la faveur de l’héritage de son beau-père, Pedro Faure, José Bertrand s’associa avec son frère Martinho Bertrand, pour reprendre une librairie qui avait été fondée en 1732. José était né à Monestier en 1720 et vint probablement au Portugal en 1736. La « livraria Bertrand » n’a donc jamais cessé ses activités et représente sans doute la plus ancienne librairie du monde, ce qui signifie près de 300 ans à vendre de livres, sans jamais fermer ses portes. Les traces de la librairie Bertrand, malgré le tremblement de terre de 1755, et une absence du Chiado d’une vingtaine d’années, le temps de sa reconstruction, ne se sont jamais effacées et son histoire se confond avec celle de Lisbonne. Elle a su évoluer à travers les décennies, devenant aussi une maison d’édition. Au début des années 1900, elle dispose de sa propre imprimerie. Aujourd’hui elle constitue un réseau de plus de 50 librairies un peu partout dans le pays. Au long des années, elle est un lieu privilégié de rencontre d’écrivains et intellectuels, qui s’y donnaient rendez-vous pour des discussions littéraires et souvent politiques, donnant à ce lieu une aura culturelle ineffaçable. La prochaine fois que je vais à Lisbonne, je ne rate pas ce rendez-vous avec l’histoire !

Premier concert des « Fab Four » à Versailles … en 1964 !

Les Beatles En 1963, Bruno Coquatrix, le patron de l’Olympia signe un contrat avec Brian Epstein, manager d’un groupe de 4 garçons de Liverpool encore inconnu en France. A cette époque, le responsable de l’une des plus célèbres salles de spectacle parisiennes avait pour habitude de faire ses « Couturières » (C’est à dire ses avant-premières publiques) au Cyrano de Versailles, dont le public était réputé pour son exigence. L’établissement était alors composé d’une seule salle de près de 2000 places qui servait à accueillir des prestations de music-hall et des concerts. L’idée de Coquatrix était de monter un spectacle à la mode pour les jeunes, à la fois complet et diversifié, car il estimait que les Beatles – vedettes encore seulement « montantes » en juillet 1963 – ne pouvaient à eux seuls, suffire à occuper l’affiche. Il avait donc décidé de l’étoffer en recrutant des artistes supplémentaires: une jeune Bulgare qui connaissait déjà un grand succès, Sylvie Vartan, et une vedette américaine confirmée, Trini Lopez, qui avait déjà à son actif plusieurs titres internationaux comme La Bamba. C’est ainsi que le 15 janvier 1964, les Versaillais ont vu monter sur la scène du Cyrano, les 4 garçons qui débutèrent leur première prestation dans notre pays, par un sonore « Vive la France ». Il faut dire que la concurrence était rude dans l’hexagone: le 5 février suivant, un célèbre artiste rock leur succède sur la scène du Cyrano. Toute juste consacré « vedette la plus populaire » par plus de 60% des suffrages féminins lors d’un sondage organisé par le journal Cinémonde, Johnny Hallyday, alors âgé de 21 ans, y interprète l’un des plus grands succès de sa carrière: Da Dou Ron Ron.

De Gémenos à Barcelonnette …

Le hasard est ainsi fait que notre vie s’est parfois enchevêtrée avec des géographies liées l’une à l’autre de manière inattendue. A notre arrivée en famille à Gémenos en 1992, nous pûmes louer une grande maison sise au boulevard des alliés et qui nous paraissait démesurée, au moins par sa large façade couverte par endroit de carreaux, style azulejos.

Lors de la visite d’un oncle originaire de Provence, il ne tarda pas à contempler la maison en nous disant qu’elle lui rappelait les « maisons des Mexicains », ou des Américains comme ils disent à Barcelonnette, dans la vallée de l’Ubaye. Nous étions encore loin d’imaginer que nous allions partir deux ans plus tard vers cette destination pour y séjourner presque dix années ; et nous n’avions pas encore vraiment fouillé cette histoire fabuleuse des habitants de Barcelonnette, partis au dix-neuvième siècle vers le nouveau monde pour y chercher la fortune. Nos voisins et amis de Gémenos nous avaient confié que les anciens propriétaires de notre maison s’appelaient les « Michel », un nom typique de ces colporteurs qui partirent au Mexique quelques cent cinquante ans avant nous. D’ailleurs, notre seconde maison dans les Lomas de Chapultepec, nous la louions à Graciano Guichard Michel, un descendant de ces aventuriers devenus hommes d’affaires et lié par sa maman aux propriétaires de la grande chaine de magasins « le Port de Liverpool ». Durant notre séjour au Mexique, nous fûmes baignés dans cette atmosphère épique de ces familles écartelées puis définitivement enracinées dans leur terre d’adoption. Le seul lien physique, historique, mémorial qui leur restait avec leurs ancêtres, était cité comme la petite ville de Barcelonnette où leurs grands-parents avaient souvent construit des maisons imposantes au tournant du dix-neuvième siècle. Nous ne connaissions pas l’endroit. Cet été nous avons réparé  ce manque et visité cette commune si chérie par nos anciens amis, ainsi que le village encore un peu plus loin vers l’Italie, Jausiers. Nous sommes pris entre ces souvenirs de patronymes familiers, avec la moitié des noms inscrits sur les tombes des cimetières qui nous sont connus, et l’architecture incroyable de ces grandes bâtisses et petits châteaux qui rappellent celle de la maison … du boulevard des alliés, à Gémenos !

Dans quel pays suis-je ?

Mais où est-ce ; dans quel pays suis-je? Je me trouve dans un taxi qui me transporte de l’aéroport King Khaled vers un hôtel de la rue Olaya, une artère assez centrale de Riyad, la capitale du royaume d’Arabie Saoudite. 

Nous passons devant l’immeuble justement dénommé le « décapsuleur » : C’est la « Kingdom Tower » culminant à plus de trois cent mètres, avec cette forme si caractéristique et tentante pour les amateurs de bière au cas où la soif pourrait leur venir. Il parait qu’au sommet de la tour se trouve un pont panoramique et qu’au pied se déploie un énième centre commercial, théâtre semble t’il d’une agression de femmes occidentales au jet de pierre par des jeunes Saoudiens, il y a tout juste quelques années. C’est alors que survient un évènement auquel je ne m’attendais pas : le ciel se zèbre d’éclairs d’orage et les coups de tonnerre se succèdent comme lors d’une soirée provençale dans l’arrière-saison. Oui, je ne me trompe pas … notre taxi allume ses essuie-glaces et les trombes d’eau se déversent au moins pour quelques minutes. Nous serions sous une averse tropicale, à México par exemple, rien ne serait réellement différent. Pour une fois la chaleur du soir Saoudien n’est pas sèche, mais bien moite. Incroyable ! Quelques minutes plus tard, nous longeons l’autre tour, celle d’ « Al Faisaliah », un gratte-ciel à peine moins haut qui a un véritable intérêt architectural à mon sens. Un architecte de renommée mondiale s’est occupé du design et des choix de matériels pour la structure. C’est une réussite et je trouve la forme ainsi que l’aspect général très modernes, agressif, mais sans une ostentation de type « nouveau riche », comme malheureusement c’est souvent le cas dans ces pays neufs et riches. Notre hôtel n’est plus qu’à quelques centaines de mètres et la pluie s’est arrêtée. Tant mieux, car je ne crois pas que Riyad soit équipé du drainage adapté à ce genre de précipitations. Si de fortes pluies ne surviennent qu’une fois par an, à peine, dans ces contrées désertiques, il n’est pas nécessaire de faire de tels investissements !

Vacances Romaines

Vacances romainesLe septième art a beaucoup contribué à la mise en place d’une image mentale universelle de Rome. Parmi les paysages romains les plus célèbres, nous pouvons citer : l’escalier de la piazza di Spagna où Joe Bradley, un journaliste américain, rencontre la princesse Anne en fugue dans le film « Vacances Romaines ». L’église de la Trinité-des-Monts (Trinità dei Monti en italien) de Rome, située sur le Pincio et au sommet de l’escalier du même nom dominant la place d’Espagne, possède une façade mondialement connue avec ses deux clochers symétriques datant de 1495. Devant cette élévation se dresse un obélisque égyptien. Cette église, comme celle de l’ensemble consacré à « Saint-Louis des Français », appartient aux « Pieux Établissements de la France et Lorette ». Nous ne nous y attardons pas lors de notre dernier voyage car nous courrons vers les sonorités Bretonnes, bombarde et clavier à l’honneur, dans un autre lieu incroyable, l’église Saint-Yves-des-Bretons. Près de vingt ans avant les Français, les sujets du Duc de Bretagne furent autorisés, en 1455, à former une confrérie qui s’installa à quelques centaines de mètres de la piazza Navona ; ce soir un bagad Vannetais accompagne les prières des pèlerins … et dire que nous n’avons même pas fait le détour par Saint-Nicolas-des-Lorrains ! Toutes ces présences Françaises dans la Ville éternelle qui a changé sans changer … Nous rêvons en pensant à la Vespa qu’enfourchait Audrey Hepburn, s’agrippant à la taille de Grégory Peck, pour une course folle vers la piazza Venezzia, puis le tour du Colisée et l’assaut des sept collines légendaires de la capitale Italienne et de la Chrétienté. Il y a moins de Vespa’s dans les rues aujourd’hui qu’il y a soixante ans mais elles bourdonnent toujours et ont conservé leur vélocité, ces typiques « guêpes italiennes » rutilantes la plupart du temps. Les drapeaux sont bicolores dans Rome en cette fin du mois d’avril, rouge et blanc, couleurs du drapeau Polonais. L’agitation est Slave pour une fois, accompagnant le nouveau Saint Karol Wojtyla, plus connu sous le nom de Jean-Paul II dans ces vacances romaines et ferventes !

Quelle sentait bon ma Normandie !

PENTAX ImageNous sommes le dimanche de Pâques 2014, qui tombe bien tard dans l’année, par une savante combinaison des lunes et du solstice ; un fruit de la partie « lunaire » de la cosmogonie Chrétienne. Nous sommes en Normandie, dans un canton rural, manifestation de ce que j’appelle « l’or vert », la nature retrouvée de nos campagnes devenues invisibles dans notre monde habituel. Ce que je ressens d’abord c’est justement les odeurs quand je sors de la voiture et ensuite que je fais quelques pas dans les champs de cette nature printanière. Je venais de lire un article de journal qui place notre sens de l’odorat comme un sens quasiment oublié, repoussé par des manières de vivre dites modernes, alors qu’il est sans doute le plus primitif. Il serait connecté à notre cortex inférieur, ou à cette partie de notre cerveau quasi instinctive. Je crois que je comprends le sens de l’article quand des effluves variés montent à cet instant dans toute ma tête, me replace dans des impressions, des souvenirs de tout petit garçon qui courait alors dans ces mêmes champs, flottant par toutes ces senteurs. Le sol d’abord, jamais complètement sec, recouvert comme une nappe de verdure qui va d’une herbe entretenue à des mousses envahissantes, sorte de gangues à toutes les pierres, les minéraux et les matériaux que l’homme a apporté sur cette terre pour la domestiquer. Comme la chromatine qui entoure les chromosomes pour leur permettre d’échanger avec la vraie vie naturelle, rien ne reste complètement artificiel sur cette terre Normande, et rapidement s’entoure d’un manteau vert ou verdâtre, sorte de pont entre l’inerte ou le minéral, et la flore … toujours odoriférante. Une fois que le nez s’est relevé depuis le niveau du sol, d’autres odeurs se propagent rapidement depuis les alentours, trahissant de plus grands végétaux et puis des animaux qui se tapissent derrière les haies des chemins creux. Notre cortex inférieur pouvait distinguer plus d’un milliard d’odeurs différentes, étant en ce sens plus performant que notre œil qui distingue environ un million de couleurs sur une palette. Je crois que je fais partie des animaux dégénérés qui ont perdu cette faculté de l’odorat, mais je comprends à ce moment-là que la puissance d’évocation des odeurs qui m’entourent est plus qu’inouïe, animale et fondamentale dans la construction de mes souvenirs profonds. Je m’arrête pour respirer longuement. Et des odeurs je reviens à l’écoute des bruits qui m’entourent, plus familiers et prédictibles.

Beato Sebastian de Aparicio

Au cours de nos pérégrinations dans la magnifique ville de « Puebla de los Angeles », nous fûmes surpris chaque jour par de nouvelles découvertes. Ce jour-là, traquant des azulejos d’une boutique à l’autre du centre ville, nous interrogions notre vendeur sur la provenance du nom de son atelier …

Ce fut alors une révélation pour nous et notre interlocuteur se mit, dans son style bien à lui, à nous conter la vie du Bienheureux Sebastián de Aparicio. Né il y a plus de cinq cents ans (1502) en Espagne, notre héros se voit proposer assez jeune d’émigrer vers les nouvelles possessions espagnoles en Amérique ; mais déjà, il semble avoir le temps devant lui et commence d’abord à travailler dur pour payer les dotes de ses sœurs ! Débarquant au port de Vera Cruz, il n’arrive seulement qu’en 1531 dans la ville de Puebla qui était alors un petit hameau avec une population essentiellement d’émigrants espagnols, élevant vaches et chevaux. Aparicio se transforme en « charro » pour s’occuper de ces animaux, à qui il va donner un rôle complètement nouveau. En effet, les Indiens de l’Altiplano ne connaissaient pas la traction animale et révéraient la roue comme un symbole religieux ; ils n’avaient donc comme seule solution que leurs dos pour transporter toutes les marchandises, et cela sur des centaines de kilomètres ! Aparicio créera très rapidement le premier service de transport terrestre en exploitant ces animaux nouveaux au Mexique. De nouveau, même après des premiers succès, il abandonne cette activité et achète des terrains sur les municipalités d’Azcapotzalco (tiens le nom de notre chien !), de Tlalnepantla, Polanco et Chapultepec. Il avait du nez notre ami avec des zones immobilières qui sont parmi les plus cotées du Mexique aujourd’hui ! Il lui est également reporté une sensibilité religieuse appuyée puisqu’il lui est attribué la tradition de la « fête des morts », lendemain de Toussaint et qui se mêle avec tact avec des traditions préhispaniques. Notre homme n’a qu’une vie mais prend son temps : Il prend femme en 1562, à l’âge de soixante ans, mais a l’infortune de la perdre immédiatement. Deux ans plus tard, il se remarie mais pour seulement huit mois avant un nouveau décès et pas de descendance. Nous aurions pu alors parier pour une retraite bien méritée dans son hacienda. Sa vocation le rattrapant, il entre en 1574, à 72 ans, dans l’ordre Franciscain comme novice au couvent de San Francisco de la ville de México, puis au monastère de Saint Jacques de Tecali, près de Puebla. Il a alors la tâche d’aumônier sur tous les chemins du Mexique de Vera Cruz aux mines de Zacatecas, en passant par Puebla, Tlaxcala et Querétaro. Il revient alors à sa passion de l’entretien des chemins et des convois tractés pour soulager les Indiens qui portent les minerais sur plus de deux mille kilomètres avant leur embarquement pour l’Espagne. Pour cela, et nous voyons dans la vidéo l’enthousiasme de notre vendeur d’azulejos, il est vénéré comme un bienfaiteur des indigènes … bienfaiteur ayant réussi dans la vie et ayant pris son temps, mourant en 1600, à près de 98 ans !